Halabiya-Zenobia

De Archéologie au Proche-Orient
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Mission franco-syrienne à Halabiya-Zénobia


Présentation de la mission

fig 1 : vue générale depuis le sud
fig 2 : vue générale de Zénobia


fig. 3 : remparts sud

La mission franco-syrienne à Halabiya-Zénobia travaille sur la ville-forteresse romano-byzantine (fig.1 à 5) située près du village actuel de Halabiya (35°41’ Nord/ 39°49’ E), depuis juillet 2006, dans le cadre d’une convention signée entre l’Université Paul-Valéry de Montpellier et la DGAMS. Elle s’inscrit dans le prolongement des recherches du Français Jean Lauffray en 1944/45 (publiées seulement en 1983 et 1991) qui a eu le mérite, en quelques semaines de présence sur le terrain, de dresser un plan topographique du site, d’en étudier le rempart et les ouvrages militaires, ainsi que les deux églises, les bains et un certain nombre de bâtiments civils.

fig. 4 : prétorium intra muros






fig. 5 : prétorium vue extra muros

Depuis la première mission de reconnaissance en 2006, la mission s’est fixé pour objectif de résoudre plusieurs questions qui concernent l’histoire du site et son évolution, son urbanisme, et d’étudier plusieurs zones d’habitat, public ou domestique, ainsi que de compléter les prospections de Jean Lauffray dans les deux nécropoles. Elle a également entamé la consolidation de l’église nord-ouest, et fait procéder à une série de relevés architecturaux. Les études antérieures ainsi qu’un long passage dans le “De Ædificiis” de Procope de Césarée (Procope, De Ædificiis, II, VIII, 8 – 25) sont des atouts précieux de notre étude. La véracité de ce dernier texte, attribuant à Zénobie la fondation du site et à Justinien la rénovation des remparts et de nombreux autres aménagements, mérite cependant d’être vérifiée sur de nombreux points.






Géolocalisation

35°41’ Nord / 39°49’ Est

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Organisation-soutien financier-partenaires

fig. 6 : équipe 2009

Outre la participation de nombreux étudiants de Master ou de Doctorat d’archéologie de l’Université Paul Valéry, de Nancy, de Paris IV ou de Paris I, la mission s’est adjoint la collaboration de doctorants de l’Instituto de Restraucion del Patrimonio de l’Universitad Politecnica de Valencia, encadrés par les Professeurs Fernando Vegas et Camilla Mileto et d’étudiant de la Licence professionnelle “Développement et Protection du Patrimoine, Techniques de réhabilitation” de l’École d’architecture de Montpellier (ENSAM) (Fig. 6). Elle a bénéficié depuis ses débuts du soutien de la fondation Osmane Aïdi et de la DGAMS, et, depuis 2008, du Ministère français des Affaires étrangères et européennes. Des partenaires privés ou publics s’y sont joints ponctuellement tels que la société Altrad-Mefran, le groupe Air-France KLM, le CMA-CGM, et le Sénat français. L’université Paul-Valéry-Montpellier contribue pour une part non négligeable à son financement.



Résultats des quatre premières années de la mission

fig. 7 : plan du site

Les remparts pré-justiniens

L'historien antique, Procope, attribue à Justinien la réfection du rempart sud et l’agrandissement de l’ensemble de la surface fortifiée de la ville vers le nord et l’ouest (pour y inclure notamment la citadelle). L’ancien rempart nord aurait en particulier été rasé pour être reconstruit plus loin. Nous avons pu retrouver ce qui est sans doute une partie du radier de fondation de l’ancien rempart nord, au droit de la tour-bastion 25, bien que, fort logiquement, ses traces en soient parfois ténues (secteur 1). Cette structure était recouverte par un secteur d’habitat qui est venu l’endommager. Au nord de ce secteur se trouve un égout qui court en direction de l’Euphrate, vraisemblablement aménagé après le démantèlement du rempart antérieur à Justinien. Nous datons pour l’instant sa période de fonctionnement d’une phase allant de la seconde moitié du VIe siècle à l’époque omeyyade. Le rempart sud possède également, entre les bastions 1 et 2, des traces d’arrachements, que Jean Lauffray n’avait pu observer de façon satisfaisante et qui pourraient correspondre à l’emplacement du départ de l’ancienne courtine ouest. Cette partie du rempart sud a fait l’objet de relevés architecturaux qui semblent confirmer son hypothèse.

L’habitat domestique

fig. 8 : vue générale du secteur 3 en 2010

Depuis 2007, nous étudions un des îlots d’habitation (secteur 3, fig.8), révélés par les photos aériennes, et situés dans les quartiers sud où ils forment de petits tells. C’est le plus émergeant de ces îlots qui a été choisi. Il est séparé en deux par un mur longitudinal ; à l’est de celui-ci, nous avons procédé par sondages stratigraphiques, tandis qu’une fouille extensive a été menée à l’ouest. Dans cette partie ouest (secteur 3B), nous avons dégagé la plupart des pièces en 2009, ce qui nous permettra de proposer en 2010 un plan complet de ce premier niveau, très proche du sol actuel et où le matériel est très peu abondant, avant de poursuivre vers les niveaux inférieurs.


À l’est (secteur 3A), la stratigraphie révèle que l’ensemble de ces niveaux est tardif (omeyyade), et qu'en l’état actuel, seul le plus ancien niveau pourrait se rapprocher de la période byzantine. Trois niveaux d’occupation ont été identifiés, entrecoupés par des phases de remblaiement. La construction est assez fruste (les murs porteurs sont en grande partie en blocs de basaltes non équarris) et comporte de nombreux spolia et remplois de blocs de gypse plus ou moins retaillés. L’usage de la brique crue reposant sur des solins de blocs basaltiques de tout venant pour l’édification des murs internes est généralisé. Cette remarque vaut d’ailleurs pour nos autres secteurs, ce que n’avait pas relevé Jean Lauffray. Nous y avons retrouvé de petites installations domestiques (tannour-four à pain) et artisanales sommaires (petite métallurgie dans la cour extérieure).

Le secteur du forum

fig. 9 : vue générale du secteur 6 en 2010

En contrebas et à l’est de l’église nord-ouest, Jean Laufffray avait mis en évidence l’existence d’une place dégagée de toute structure, à laquelle on accède, du côté sud, par un portique et qui était entourée sur ses côtés de maisons de prestige ; le côté ouest était limité par le mur de l’église. La présence de quelques blocs affleurant parallèlement à celle-ci nous a conduits à sonder ce secteur, puis à y implanter une fouille (secteur 6, fig. 9).

Celle-ci a montré la présence de trois niveaux d’occupation dont deux correspondaient à un grand bâtiment. Au niveau le plus récent, le bâtiment A a été dégagé en 2009 sur 8,30 m de long d’ouest en est et sur 5,60 du m du nord au sud. Ses murs de briques crues reposent, comme dans le secteur 3, sur un soubassement de blocs de basalte et quelques blocs de gypse, large de 70 à 90 cm. Son sol est fait d’un dallage de briques cuites. Sous ce niveau apparaîssent les vestiges d'une structure antérieure, dont plusieurs murs arasés conservés sur la hauteur des assises en blocs de basalte ont été retrouvés. La présence d’un four atteste d’une occupation domestique. Le troisième niveau est caractérisé par un lambeau de dallage de gypse et de basalte irrégulier. La céramique montre pour l’instant une occupation de la phase de transition byzantino-omeyyade. Cependant, une amphore de Gaza du Ve siècle, retrouvée dans la seconde phase d’occupation, invite à nuancer cette chronologie tardive. La poursuite des fouilles permettra de mieux comprendre l’occupation de ce « forum ».

Bâtiment public près de la porte nord

fig. 10 : vue générale du secteur 7 en 2010

Entre les bastions 26 et 27 (l’un de ceux de la porte nord), nous avons mis au jour un ensemble de 15m sur 10,50m, limité à l’ouest par le cardo de la ville, au sud par l’égout du secteur 1, et au nord par une voie secondaire qui longe le rempart (nous n’en connaissons pas encore la limite est, qui sera dégagée en 2010, si elle ne se trouve pas sous la route moderne). Il se compose d’un portique et d’un stylobate qui bordent le cardo, d’une cour dallée de briques cuites carrées et de deux pièces, dont l’une a été totalement détruite par un incendie. La seconde pièce, au nord, est munie , le long de ses murs nord et sud, de deux banquettes recouvertes de briques. On y trouve également une fosse qui contenait de nombreux fragments de verres à boire et un follis d’Anastase ou de Justinien, antérieur à 538. Les murs internes ont une élévation de brique crue, mais nous ignorons la structure des murs extérieurs. Cependant, de nombreux fragments de vitrage de gypse témoignent de la présence de fenêtres.

Il est vraisemblable que nous ayons affaire là à un bâtiment de corps-de-garde, implanté lors de l’extension de la ville qui a vu le déplacement vers le nord du rempart de l’ancien rempart antérieur à Justinien. L’occupation de ce secteur se prolonge jusqu’à la période abbasside. En tout état de cause, le bâtiment a connu une seconde phase, comme le révèle en particulier la présence très fragmentaire, car très proche du sol actuel, d’un second dallage superposé au premier dans la cour. Nous avons également pu pratiquer une coupe du cardo, dont le niveau de circulation, fait d’un cailloutis de gypse, est limité à une faible épaisseur, qui affleure à la surface. Il repose sur une forte couche de briques concassées, succédant à un radier très solide de fragments de gypse.

Nécropoles

fig. 11 : tombe de la nécropole nord
fig. 12 : tombe de la nécropole sud
fig. 13 : tombe de la nécropole sud

Au nord et au sud de la ville, se trouvent deux nécropoles qui avaient été partiellement étudiées par Jean Lauffray. Il recensait environ 62 tombes (dont certaines n’étaient pas clairement identifiées en tant que telles ou qui ont complètement disparu aujourd’hui). Nous avons repris à la fois une prospection d’ensemble, l’étude architecturales de 14 tombes (fig. 11) et la fouille de 5 d’entre elles. La prospection a révélé 123 nouvelles tombes (113 dans la nécropole nord et 10 dans la nécropole sud, fig. 12 et 13). Mais, dans cet inventaire, il n’est pas tenu compte de secteurs où une dizaines de tombes au moins pourraient être groupées ni de la nécessaire identification de certaines autres. Cette entreprise sera poursuivie en 2010, accompagnée de sondages sur des bâtiments qui ont été repérés, que ce soit par Jean Lauffray ou en 2009, sur le terrain ou par photographie aériennes.










Architecture

fig. 14 : relevés de la façade est du prétorium
fig. 15 : relevé de la façade est du prétorium
fig. 16 : pathologies de la façade est du prétorium
fig. 17 : plans de l'église nord ouest


Grâce à la fructueuse collaboration avec l’Instituto de Restauracion del Patrimonio de Valencia, le prétorium (fig. 14 à 16), l’église nord-ouest (fig.17) et la tour 13 (dont seul un plan sommaire avait été fait par Jean Lauffray) ont fait l’objet de relevés complets en leur état actuel. Il est prévu que les relevés de l’église puissent nous permettre un jour d’en restituer pour le public les vestiges de l’époque dans sa construction initiale, que viennent perturber de nombreuses structures tardives.












Consolidations

fig. 18 : église avant restauration
fig. 19 : église nord ouest restaurée
fig. 20 : contrefort de l’église


Dans cette perspective, la mission a également initié dès 2006 la consolidation de certaines parties de cette même église (fig.18 à 21). Elle s’est essentiellement concentrée sur les vestiges de la sacristie, nord l’abside et l’arc triomphal. Comme les principaux monuments du site, l’église est, en effet, édifiée en blocs de grand appareil de gypse. Les pathologies propres à ce matériau font se boursoufler les joints entre les blocs, qui ont eux-mêmes été écartés sous l’effet des séismes. La dégradation des joints entraine à son tour l’érosion des blocs. Des traces de restaurations antiques ont d’ailleurs été remarquées. Le matériau utilisé est essentiellement du plâtre de gypse cuit à l’antique. Il s’agit d’un travail long et minutieux, auquel s’est ajoutée la construction de deux contreforts.

fig. 21 : deuxième contrefort de l’église


Perspectives

Le projet de construction d’un barrage, dont le lac artificiel ruinerait en grande partie le site, nous conduit à intensifier nos recherches, notamment sur les nécropoles puisque celles-ci ne seraient pas protégées. Néanmoins, la poursuite de la fouille des secteurs d’habitat domestique et public s’impose, afin de confirmer nos hypothèses, notamment en termes de chronologie relative et absolue. Par ailleurs, de nombreuses autres campagnes seront nécessaires pour préciser l’histoire générale du site ainsi que l’ancienneté de sa fondation. Nous prévoyons la publication de nos cinq premières années de recherches dans un volume de synthèse.

Bibliographie

LAUFFRAY J. (1983), Halabiyya-Zénobia, Place forte du limes oriental et la haute Mésopotamie au VIe siècle, T. I, Les duchés frontaliers de Mésopotamie et les fortifications de Zénobia, Paris, Geuthner.

LAUFFRAY J. (1991), Halabiyya-Zénobia, Place forte du limes oriental et la haute Mésopotamie au VIe siècle, T.II, L’architecture publique, privée et funéraire, Paris, Geuthner.