Qinnasrin

De Archéologie au Proche-Orient
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Mission syro-française de Qinnasrin

Géolocalisation

35° 59' Nord / 37° 1'

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Fiche descriptive

1998 – 2000 : mission internationale sous la direction de Marianne Barrucand (Paris IV) et Donald Whitcomb (Institut Oriental de l’Université de Chicago)

Depuis 2003 : mission syro-française sous la direction de Fedwa Abidou puis Asad al-Youssef (musée d’Alep) et Marie-Odile Rousset (CNRS, UMR8167 Orient et Méditerranée)

Financements : commission des fouilles du MAEE, CNRS (UMR8167), DGAMS

fig 1 : vue aérienne de Qinnasrin en 1958
fig. 2 : Al-Iss / Qinnasrin. Vue générale du site. Du premier plan vers les cultures : vestiges de la fortification de brique crue (sous les oliviers), zone des carrières et nécropoles, village actuel sur la ville antique, forteresse urbaine sur le tell, cultures

Présentation de la mission

Le travail de recherches archéologiques à Qinnasrin s'inscrit dans un projet plus général sur la genèse de la ville islamique au Proche-Orient. Il s’agit d’étudier le développement de la ville de Qinnasrin, qui a été capitale de la circonscription administrative du même nom, en Syrie du Nord, du VIIe au Xe siècle, avant que la ville d’Alep ne lui succède. Bien qu’occupant une place centrale dans l’étude consacrée au Limes de Chalcis, par R. Mouterde et A. Poidebard en 1945, ce site n’a jamais fait l’objet d’une étude archéologique approfondie. Les travaux sont conduits, depuis 2003, en collaboration avec la Direction des Antiquités et des Musées de Syrie (DGAMS) et le musée archéologique d’Alep, représenté par Madame Abidou et Monsieur Asad al-Youssef.

fig. 3 : Vestiges de la forteresse sur la montagne vus du tell

Localisée à l’extrémité sud-est du Jabal Zawiyé, la ville de Qinnasrin, plus connue sous le nom de Chalcis ad Belum durant les périodes classiques, a une position éminemment stratégique, à la croisée des mondes nomades et sédentaires. L’agglomération est composée de plusieurs entités distinctes. Sur la montagne, une forteresse domine la région ; à son pied, la ville délimitée par son rempart est associée à une acropole fortifiée ; les nécropoles et carrières recouvrent ses flancs tandis que les quartiers extra-muros se sont développés à proximité des portes et des routes.

L’objectif de ce programme de recherche est de définir comment la ville s’est formée puis a évolué au cours de la période islamique. La question de l’adaptation du système défensif (fortification urbaine, enceinte refuge, village fortifié...) face aux différentes menaces, celle des structures du pouvoir (fonction de l’acropole aux époques tardives), celle de l’urbanisme, de l’habitat et des installations artisanales, notamment dans les quartiers hors les murs (hadirs), sont au coeur de cette étude.

Les rapports entre ville et territoire ont été abordés lors des campagnes 2005 à 2007, dévolues à l’étude d’un hameau de Qinnasrin, sous l’actuel village d’al-Hadir. Le présent volet du programme concerne la ville de Qinnasrin elle-même, la mission 2008 ayant permis de confirmer l’identification de la Qinnasrin / Chalcis des textes avec le site moderne de al-‘Iss.


fig. 4 : Nabi Iss : un tombeau islamique installé dans une tour de défense sur une motte au sommet de la montagne

Aujourd’hui, face aux menaces de destruction dues à l’extension des constructions modernes et des pillages, notre intervention a pour but la connaissance et la préservation des vestiges mais aussi la sensibilisation des habitants à leur patrimoine.

Le programme de recherche mis en place depuis 2008 s’attache tout particulièrement à l’étude de l’agglomération de Qinnasrin. Le site repose contre le piémont sud d’un massif montagneux, qui est lui-même l’extrémité sud-est du massif calcaire de Syrie du Nord et du Jebel Zawiyé en particulier. Le sommet de la colline offre un point d’observation remarquable sur la région alentour : on est ici au contact des terres cultivées et du domaine steppique ; le panorama sur la steppe permettait de surveiller les tribus bédouines au sud-est.



fig. 5 : Inscription en place sur une porte de l’enceinte urbaine mentionnant sa restauration sous Justinien (550-551)

Dans le village, la muraille, dont l’état byzantin est attesté par plusieurs inscriptions dont une encore en place, est en partie visible. Les périodes hellénistique à islamique sont représentées par la céramique sur la surface du site délimitée par le rempart et au-delà. L’agglomération byzantine est la plus vaste et se développe également hors-les-murs (dans un hadir), comme celle du début de l’époque islamique. Il y avait alors à l’extérieur un quartier en partie dévolu aux activités économiques et artisanales et en partie résidentiel.



La forteresse est construite sur un tell ancien, qui a sans doute été retaillé au moment de sa fortification, à l’époque hellénistique ou romaine. Les flancs en sont assez abrupts, sauf à l’est où se situe la porte d’entrée tardive (byzantine). La surface est relativement plane et de nombreux restes de murs subsistent en surface, vestiges de la dernière occupation, au XIe siècle. La prospection géophysique a mis en évidence des éléments plus anciens : voirie, remparts, tours et portes, grands bâtiments, ainsi qu’une église de plan circulaire.




fig. 8 : Déroulement de la prospection géophysique
fig. 6 : Relevé topographique de l’acropole. Modèle numérique de terrain (M.-C. Bosert, B. Depeux)
fig. 7 : Carte géomagnétique du sommet de l’acropole (Y. Bière). La prospection a permis d’identifier une église circulaire au sud-est



La prospection a permis de déterminer l’extension de l’habitat aux différentes périodes et de repérer les grands ensembles qui composent la ville : l’acropole-citadelle, les nécropoles (antiques) au nord-est et au nord, les carrières, au nord, creusées dans le flanc de la colline, les grands dépotoirs à l’extérieur de l’enceinte byzantine au nord-est et au sud, les zones artisanales et funéraires. Sur la colline qui domine cet ensemble se dressait, entre le VIe et le IXe siècles, une forteresse qui pourrait correspondre au lieu de fixation des premiers Musulmans dans la région.



fig. 9 : Le sondage A en cours de dégagement
fig. 10 : Le sondage A en fin de fouille. Une grande fosse cendreuse a coupé, au IXe s., des niveaux d’habitat byzantin


Les sondages ont confirmé l’existence d’un quartier hors-les-murs dans le secteur Nord, avec une fonction mixte, artisanale et résidentielle, du VIe au IXe siècle. Le sondage A, implanté sur le lieu supposé d’un atelier de fabrication de verre primaire, a montré que cette activité s’est développée jusqu’à l’époque abbasside. Le sondage B a mis en évidence, dans un secteur pourtant fort perturbé par des destructions récentes, le réaménagement au début de l’époque islamique, d’une riche demeure byzantine.


fig. 12 : Intaille retrouvée dans le remplissage de la fosse cendreuse (sondage A). Face utilisée à l’époque romaine
fig. 11 : Intaille retrouvée dans le remplissage de la fosse cendreuse (sondage A). Face utilisée à l’époque islamique (milieu VIIIe s.)
fig. 13 : bâtiment byzantin à mosaïque réutilisé au début de l’époque islamique (sondage B)






Bibliographie

- M.-O. Rousset (dir.), Qinnasrin I. Al-Hadir, étude archéologique d’un hameau de Qinnasrin (VIIe-XIIe s.), Travaux de la maison de l’Orient, sous presse.

- F. Abidou, M.-O. Rousset, R. Ali, F. Imbert, D. Foy, A. Othman, J. Studer, M. Rochette, A. al-Youssef « Travaux de la mission syro-française de Hadir (Qinnasrin) en 2005-2007 », Chronique archéologique en Syrie, 2007 (remis en juillet 2008).

- M. Barrucand, M.-O. Rousset, « Hadir-Qinnasrin : genèse de la ville islamique au Moyen-Orient, Syrie », Archéologies. Vingt ans de recherches françaises dans le monde, Maisonneuve et Larose - ADPF-ERC, 2005, p. 498.

- J.-P. Fourdrin, D. Feissel, « Une porte urbaine construite à Chalcis de Syrie par Isidore de Milet Le Jeune (550–551) », Travaux et Mémoires 12, 1994, p. 299–307.

- R. Mouterde, A. Poidebard, Le limes de Chalcis : organisation de la steppe en haute Syrie romaine, Bibliothèque Archéologique et Historique 38, 1945.

- M.-O. Rousset, « De Chalcis à Hadir : une page de la vie de Qinnasrin », Une aventure archéologique. Antoine Poidebard, photographe et aviateur, sous la direction de Fabrice Denise et Lévon Nordiguian, Marseille, 2004, p. 296-297.

- M.-O. Rousset, « Hadir, Hadir–Qinnasrin, Qinnasrin, que sait-on de la capitale de la Syrie du Nord au début de l’Islam ? », in Karin Bartl / Abd ar-Razzaq Moaz (éds.), Residences, Castles, Settlements. Transformation Processes from Late Antiquity to Early Islam in Bilad al-Sham, Proceedings of the International Conference held at Damascus, 5.-9.11.2006, Orient Archäologie 23, Damas, 2008, p. 355-374.

- M.-O. Rousset, « L’assemblage céramique des niveaux omeyyades de Hadir (Syrie du Nord) », in: S. Menchelli (éd.), LRCW3 Late Roman Coarse Wares, Cooking Wares and Amphorae in the Mediterranean, Parme (remis en mai 2008).

- D. Whitcomb, « Archaeological Research at Hadir Qinnasrin, 1998 », Archéologie Islamique 10, 2000, p. 7-28.