Sha'rah et l’habitat villageois antique en Syrie du Sud

De Archéologie au Proche-Orient
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Présentation générale

Les paysans de l’Empire romain sont très mal connus. Cependant la région conserve des villages antiques complets qui ont été très peu étudiés jusqu’ici. Beaucoup de ces maisons étaient encore occupées et entretenues jusque dans les années 1960.

Les travaux d’inventaire et d’étude abordent les problèmes de la structure, de l’organisation spatiale des villages et des maisons, des modes de vie, des activités économiques, du statut social des occupants et de la chronologie. L’étude des villages sud-syriens s’opère selon un découpage géographique ; chaque région, en raison de ses caractéristiques physiques, implique un certain type d’économie qui se reflète dans l’architecture domestique, par la dimension des édifices et leur agencement, par la qualité des constructions et la présence de certains aménagements particuliers, tels que les étables, entrepôts, pressoirs ou citernes.

Aujourd’hui, ont été étudiés huit villages de la haute plaine de la Batanée (Mu’arribeh, Khirbet Ghazaleh, Muhajat, Kafr Shams, Kafr Nasij, Inkhil, Nawa, et Shaara) et quatre villages du plateau de la Sacée (Hit, Hayat, Amra et Shaqqa).

Sha’rah

Cette étude, qui s’appuie sur une convention de partenariat avec TOTAL-FINA-ELF Hydrocarbures, a pour objectif une étude monographique d’un village du Léja dans la longue durée. Son histoire remonte au Ier siècle av. J.-C., avec des traces d’occupations plus anciennes. Placé dans un environnement stratégique et spectaculaire, sur le rebord des coulées de basalte désertiques du Léja — le Trachôn mentionné comme repaire de brigands au Ier siècle av. J.-C. par les sources antiques (Strabon et Flavius Josèphe) — et dominant le plateau agricole, le village se situe à l’interface de deux modes d’occupation et d’exploitation économique, sédentaire et semi-nomade, agriculture et élevage.

L’étude géologique du secteur a été renouvelée par TOTAL-FINA-ELF, en collaboration avec l’Université de Damas. Le premier objectif était de comprendre la formation du paysage dans lequel est implanté le village. L’âge des coulées de basalte alcalin de Shaara a été déterminé (34000±8000 ans) et de nouvelles hypothèses sur leur origine peuvent être proposées. Elles ne sauraient provenir du complexe de Majadel, plus ancien, mais plutôt d’un complexe fissural situé à l’est du Léja. La caractérisation des types de basaltes disponibles sur le site, grâce à des analyses chimiques et à l’examen de lames minces, apportera des références précieuses pour l’étude des différentes variantes utilisées comme matériaux de construction et pour l’identification des pâtes des productions céramiques locales. En effet, les argiles constitutives proviennent de la décomposition des basaltes et conservent des minéraux caractéristiques de la roche-mère.

Ce village est entouré d’un rempart, fait exceptionnel pour une agglomération de cette taille. Il est conservé et “lisible” sur la totalité de sa surface avec son habitat (128 maisons), ses lieux de culte (deux sanctuaires païens, dont un complexe monumental comprenant un mithraeum, avec son décor mutilé mais reconnaissable, et une grotte, deux églises, une mosquée), son réseau de circulation, des thermes, conservés en partie jusqu’au sommet des voûtes, qui reproduisent le modèle des grands thermes impériaux romains, des installations hydrauliques, à une échelle très réduite, des nécropoles.

Sur ce site à fortes dénivellations on ne reconnaît aucune organisation géométrique ni même de continuité dans le tissu urbain. Des espaces vides subsistent entre les zones bâties. Elles pouvaient à l’occasion recevoir des troupeaux. Cette disposition fournit surtout une indication précieuse sur la genèse de l’agglomération. Ce n’est pas une fondation-lotissement distribuant la totalité de l’espace dès sa création. Elle s’explique plutôt comme un développement organique à partir de plusieurs noyaux, sans doute attribués à des familles ou à des groupes distincts et séparés les uns des autres, pour leur laisser la place de se développer sans perdre les attaches à l’espace de chacun d’eux. L’intérêt de Shâ‘rah tient à ce que l’évolution n’est pas allée à son terme, comme dans la plupart des agglomérations. Il reste une surface résiduelle importante de l’espace primitif qui, ailleurs, se réduit souvent à de simples impasses dans un tissu urbain densifié. Après des relevés topographiques d’ensemble, une typologie des maisons et des tombeaux a été établie, en même temps qu’une base de données. Les repères chronologiques et les interprétations fournies par les fouilles de Sha’rah éclaireront de nombreux autres cas d’agglomérations du même type réparties dans différentes zones de la Syrie du Sud.

Il reste à explorer de vastes nécropoles où au moins quatre types différents de sépultures ont été repérés, allant de la simple tombe à fosse ou des sépultures aménagées dans les crevasses de la coulée basaltique, à des tumuli en usage entre la fin de l’époque hellénistique et les Ier -IIe siècles de notre ère, ou encore des monuments plus complexes, ainsi la tombe en T du Ier siècle apr. J.-C. Toutes ces sépultures ont souvent été réutilisés jusqu’au Ve siècle de notre ère.

Le village a été occupé par phases, jusque dans les années cinquante du XXe siècle, la population continuant à habiter des maisons sans doute datées pour l’essentiel de l’époque byzantine. Cette utilisation de l’espace antique dans différentes phases, dont la dernière est encore représentée par une réinstallation dans un village neuf situé à proximité immédiate, a justifié le développement d’un programme ethno-archéologique.

Bibliographie

Bibliographie récente et à paraître 

  • Clauss-Balty P., « La kalybé de Hayat (Syrie du Sud) », Syria LXXXV, 2008, p. 249-292.
  • Clauss-Balty P., « Maisons rurales antiques de Syrie du Sud : les exemples de Maaraba et de Khirbet Ghazaleh », Annales Archéo. Arabes Syriennes XLVII-XLVIII, 2008, p. 217-233.
  • Clauss-Balty P., « Trois missions d’inventaire dans les villages antiques de la Batanée (Syrie du Sud) », Documents d’archéologie syrienne XI, Damas 2007, p. 235-280.
  • Clauss-Balty P., « L’habitat rural en Syrie du Sud : quels contextes territoriaux ? », in : HAURAN III. L’habitat dans les Campagnes de Syrie du Sud aux époques classique et médiévale, Clauss-Balty P. éd., BAH 181, Institut français du Proche-Orient, Beyrouth 2008, p. 7-12.
  • Clauss-Balty P., « Maisons romano-byzantines dans les villages de Batanée : missions 2002-2004 », in : HAURAN III. L’habitat dans les Campagnes de Syrie du Sud aux époques classique et médiévale, Clauss-Balty P. éd., BAH 181, Institut français du Proche-Orient, Beyrouth 2008, p. 41-78.
  • Clauss-Balty P., « Les villages et l’habitat rural à l’époque romano-byzantine : le cas de Shâ’rah sur le rebord nord-ouest du Léjà », in : HAURAN V (à paraître).
  • Clauss-Balty P., Bodo Ph., « Une maison antique à ‘Amrah (Syrie du Sud) : de Melchior de Vogüé à nos jours », Syria LXXXVI, 2009, p. 233-279.

Bibliographie antérieure 

  • Darrous N., Rohmer J. : « Chahba-Philippopolis (Hauran) : essai de synthèse archéologique et historique », Syria LXXXI, 2004, p. 5-42.


Habitat récent de Syrie du Sud

  • Piraud-Fournet P., « Damas-Soueida Champs Élysées », in : La pioche et la plume : archéologies de la Jordanie, du Liban et du Soudan. Hommages patrice Lenoble, éd. Alpi F., Rondot V., Villeneuve F. (à paraître).
  • Clauss-Balty P., « L’habitat du Jaulan aux époques romaine et byzantine », in : L’histoire et l’archéologie de Qunaytra. Actes du colloque international, 25 au 27 avril 2007, Qunaytra, Syrie, Direction des antiquités et des musées de Qunaytra (à paraître).